Le 4 juillet, Fête de l’Indépendance des États-Unis, est généralement marquée quelques jours avant à l’ambassade (ou plus exactement la résidence qui s’y trouve attachée) américaine de Paris. Les thématiques sont souvent extraordinaires, comme en 2019, année marquant la déambulation lunaire d’Apollo 11, un son et lumière et des acteurs en scaphandres spatiaux faisant des acrobaties sur la pelouse!
En ce 2 juillet 2024, ambiance sobre, le minimum dans les déroulement d’un spectacle — en vérité, pas de spectacle hormis la garde d’honneur, mais même le minimum est solennel et impressionnant. Des chanteurs de jazz tout à fait respectable, mêlant classiques français et américains des années 30 et 40. Discours de l’ambassadrice Denise Campbell Bauer, protocolaire mais toujours lié à la dette historique des Révolutionnaires américains envers Rochambeau, Lafayette, de Grasse. Un descendant de Rochambeau, Jérôme Danard, de l’association pour l’amitié franco-américaine (www.france-etatsunis.org), était de la partie.
À remarquer cette année l’absence totale de notabilités françaises. Je n’ai pas remarqué le moindre député, ni ambassadeur, quelques conseillers élyséens. Dans les années antérieures, des ministres en exercice venaient, et étaient même invités à s’exprimer à la suite de l’ambassadeur, ce fut le cas de Manuel Valls il y a une douzaine d’années, qui dénonça cordialement mais explicitement l’espionnage mené par les services américains, y compris sous l’impulsion de Hillary Clinton sécrétaire d’État, contre les négociateurs français des accords commericaux. L’ambassadeur ne pouvait évidemment pas répliquer, et pourtant la fête se poursuivit avec gaité sous un soleil radieux et maints mini-hamburgers et autres petits-fours.
Une exposition dans les locaux de la Résidence (attachée à l’ambassade), sur le Débarquement de Normandie, deux jeeps et une moto d’époque, toujours pour rappeler les liens construits au cours des deux Guerres mondiales. En 2017, l’ambassade exhiba une ambulance américaine — l’on sait que des unités d’ambulanciers et de pilotes se battaient en France avant même l’entrée en guerre des États-Unis. Les gouvernements ont parfois des retards sur les sentiments des citoyens.
L’Eurosatory 2024, qui a fermé ses portes vendredi, est un succès commercial pour l’industrie française de l’armement. C’est en tout cas ce dont s’est vanté le ministère des Armées cette semaine.
L’Estonie, l’Arménie et la Croatie sont les trois pays à avoir officialisé l’achat de canons Caesar à l’occasion du sommet. Construits par le consortium franco-allemand KNDS, ils sont aujourd’hui réputés les plus performants au monde. Au total, soixante pièces d’artillerie ont été vendues. Il nous manque les détails du nombre de canons vendus par pays.
L’achat des Caesar par l’Arménie marque une nouvelle étape dans son réarmement, alors qu’elle se prépare selon nos sources à une possible invasion de l’Azerbaïdjan dans les prochains mois.
L’Estonie de son côté anticipe une éventuelle arrivée des troupes russes dans son pays. Selon des documents rendus publics par les services de renseignement estoniens, les Russes amassent des milliers d’hommes depuis plusieurs mois à la frontière avec les pays Baltes.
Lituanie : spécialité drones
La Lituanie est réputée en Europe pour sa technologie de haut niveau et son stand à l’Eurosatory cette année était une bonne illustration du savoir-faire lithuanien, en particulier dans le domaines des drones.
Les drones et les systèmes anti-drones sont l’une des principales spécialités lithuaniennes. L’entreprise RSI Europe, présente à l’Eurosatory, en est un exemple type. Elle développe en en particulier des drones kamikaze, aussi appelés munitions rôdeuses en langage militaire ou loitering munitions en anglais.
Abondamment utilisés par les Ukrainiens et les Russes dans la guerre en Ukraine, ils constituent des armes redoutables, économes aussi bien en hommes qu’en argent. Leur compétitivité est difficile à égaler : 800 € en moyenne pour un drone de catégorie Shpak FPV, avec des prix spéciaux pour l’Ukraine dont les industriels refusent de dévoiler le chiffre exact.
Le Sphak FPV peut voler à une distance maximale de 25 km, voler jusqu’à 100 km/h à vide. Il pèse 2,5 kg et peut porter une charge de 3 kilos. Il s’agit donc d’un système léger et simple d’usage, très commode pour mener une attaque ciblée.
Son explosion est déclenchée de deux manières différentes : ou grâce à un détonateur ou en s’écrasant directement sur sa cible. L’application RISE-1 développée par RSI Europe permet de contrôler et de paramétrer son vol depuis un téléphone portable.
Autre innovation lituanienne : les systèmes anti-drone avec plusieurs conceptions remarquables : le Skywiper EDM4S, un fusil anti-drone construit par l’entreprise NT Service.
Le Skywiper EDM4S permet de brouiller les ondes des drones en actionnant une gachette en direction de l’appareil. L’objectif est que le Skywiper prenne le contrôle du drone et pour le faire s’écraser au sol et qu’ainsi, le pilote ennemi – à distance– perde le contrôle de son appareil. Ce fusil anti-drone a un côut moyen de 17 000 €. “Mais il y a là-encore des tarifs préférentiels pour l’Ukraine” nous assure encore un commercial de NT Service. Selon le blog Mehza Media, la Lituanie avendu près de 110 Skywiper EDM4S à l’Ukraine entre février et juin 2022.
Le second système est un radar 2.0 permettant aussi de brouiller les ondes des drones kamikaze pour les empêcher d’atteindre leurs cibles. Ces appareils peuvent varier en dimensions et en puissance en fonction de la cible qu’ils doivent protéger, qui peut varier du simple soldat à un convoi de véhicules.
Le coût de ces radars peut varier de quelques milliers d’euros pour les petits modèles à 20 000 €, avec là-encore des prix spéciaux pour l’Ukraine.
Les industriels demeurent discrets sur l’identité des pays acheteurs de leur matériel, qui sont tous “membres de l’OTAN” nous assurent-ils.
Y a-t-il des drones qui résistent à la technologie lituanienne ? Oui nous ont confié quelques industriels, en particulier les drones iraniens, dont certains sont autonomes, c’est-à-dire, dirigés par un programme intégré au drône, sans interférence humaine durant son vol. Cela rend donc plus difficile leur interception. Les commerciaux de NT Service ne cache pas d’ailleurs, qu’il s’agit-là “d’une piste de recherche” pour les entreprises lituaniennes.
De source bien informée DD a appris que le ministère des Armées souhaite que le SAMP/T NG (Système sol-air moyenne portée/terrestre nouvelle génération) soit acheté dès 2026-2027.
Nos sources affirment qu’il devrait être plus performant que le missile Patriot américain, réputé pour sa capacité à dépasser la vitesse du son. Par ailleurs, le SAMP/T NG dépasserait les systèmes russes et iraniens.
Le Ministère des Armées souhaite que les expérimentations du SAMP/T NG soient mises en oeuvre plus rapidement pour savoir jusqu’où ses performances pourraient être poussées.
Les objectifs de livraison sont de l’ordre de huit batteries d’ici à 2030 puis quatre autre batteries en 2035. Ces informations figurent plus en détails dans la loi de programmation militaire 2024-2030.
En Europe, les Allemands sont divisés sur l’achat de ce système de lanceur de missiles. La chancellerie préfère acheter du matériel américain, fidèle à la tradition allemande depuis l’après Deuxième guerre mondiale.
En revanche, « l’Etat profond », dont on comprend mal la signification exacte, serait plus partant pour investir dans le SAMP/T NG.
Parmi les nouveautés du SAMP/T NG figurent :
Le Ground Fire 300 de Thales pour la France, Kronos GM HP de Leonardo pour l’Italie)
Le missile ASTER 30 B1NT capable d’intercepter des missiles d’une portée supérieure à 600 km
Un nouveau module de commandement et de contrôle
Jusqu’à 6 lanceurs avec 8 missiles chacun, pour un total de 48 missiles prêts à être tirés
Le SAMPTE devrait aussi être capable d’intercepter des missiles hypersoniques.
Dans un communiqué conjoint publié samedi après-midi, les ministères des Affaires étrangères français, britanniques et allemands ont fermement condamné la poursuite par l’Iran du développement de son programme nucléaire civil. Voici le communiqué du Quai d’Orsay en français et en anglais.
DÉCLARATION CONJOINTE DES PORTE-PAROLE DES
MINISTÈRES DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA FRANCE,
DE L’ALLEMAGNE ET DU ROYAUME-UNI
IRAN/JCPoA
15 juin 2024
Les gouvernements de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni condamnent les dernières mesures de l’Iran, telle que rapportées par l’AIEA, visant une nouvelle expansion de son programme nucléaire.
L’Iran a pris des mesures supplémentaires qui vident le JCPoA de son contenu, en alimentant des dizaines de centrifugeuses avancées supplémentaires au site d’enrichissement de Natanz ainsi qu’en annonçant l’installation de plusieurs centaines de centrifugeuses supplémentaires dans les sites de Fordo et de Natanz. Ces mesures vont encore augmenter le stock d’uranium enrichi et les capacités d’enrichissement de l’Iran, dont les niveaux ont d’ores et déjà dépassé les limites fixées par le JCPoA. Cette décision représente une escalade supplémentaire du programme nucléaire de l’Iran, qui emporte des risques importants de prolifération. La décision de l’Iran d’augmenter significativement sa capacité de production dans l’installation souterraine de Fordo est particulièrement inquiétante.
Il n’est pas acceptable que l’Iran présente ces mesures comme une réaction à l’adoption par le Conseil des Gouverneurs de l’Agence internationale de l’Energie atomique d’une résolution appelant à la coopération, attendue de longue date, de l’Iran sur les garanties. L’Iran a une obligation légale au titre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires de mettre pleinement en œuvre son accord de garanties, qui est distinct du JCPoA.
Nous restons attachés à une solution diplomatique empêchant l’Iran de développer une arme nucléaire.
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JOINT STATEMENT BY THE SPOKESPEOPLE FOR THE FOREIGN MINISTRIES OF FRANCE, GERMANY AND THE UNITED KINGDOM
We, the governments of France, Germany and the United Kingdom, condemn Iran’s latest steps, as reported by the IAEA, to further expand its nuclear programme.
Iran has taken further steps in hollowing out the JCPoA, by operating dozens of additional advanced centrifuges at the Natanz enrichment site as well as announcing it will install thousands more centrifuges at both its Fordow and Natanz sites. These steps will further increase Iran’s enriched uranium stockpile and enrichment capacity, which already significantly exceed JCPoA limits. This decision is a further escalation of Iran’s nuclear programme, which carries significant proliferation risks. Iran’s decision to substantially increase its production capacity at the underground Fordow facility is especially concerning.
Presenting such steps as a reaction to the IAEA Board of Governors’ adoption of a resolution calling for Iran’s long overdue cooperation on safeguards is not acceptable. Iran is legally obliged under the Non-Proliferation Treaty to fully implement its safeguards agreement, which is separate to the JCPoA.
We remain committed to a diplomatic solution preventing Iran from developing nuclear weapons.
Alors que les partis politiques se recomposent depuis la dissolution de l’Assemblée nationale dimanche dernier, l’actualité diplomatique bat son plein. Retour sur huit jours d’intense activité diplomatique suivie par DécalageDiplo.
Au programme :
L’Ukraine ovationnée aux commémorations des 80 ans du débarquement, la Russie, grande absente
La visite de Zelensky à l’Elysée et au ministère de la Défense et les nouveaux projets de don d’armements de la France à l’Ukraine
La conférence du Pakistan à l’Unesco
Omaha Beach : la réunion du seul monde occidental
Il s’agit bien-là d’une petite révolution historique, mais qui n’est pas sans importance symbolique. Le 6 juin, plusieurs dizaines de chefs d’Etat ont participé à la commémoration internationale du débarquement sur les plages de Normandie à Saint-Laurent-sur-Mer. C’est là que se situe Omaha Beach, où plusieurs milliers de soldats, des Américains pour l’essentiel, sont morts pour sauver la France du joug nazi.
Mais dans le contexte de la guerre en Ukraine, cette cérémonie revêtait un reflet tout particulier : seuls les chefs d’Etat des pays de l’Europe démocratique étaient présents. La Russie, dont le rôle dans la Seconde Guerre mondiale fut crucial pour la défaite de l’Allemagne nazie. Il était d’abord prévu que Vladimir Poutine soit invité, puis seulement une délégation. Finalement, sous la pression de l’Ukraine, aucun représentant russe n’était invité à l’événement.
La grande star de la cérémonie du 6 juin était sans surprises le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, longuement applaudi par la foule à son arrivée.
Dans son discours de clôture, le président Macron a réaffirmé le caractère primordial de la liberté des peuples face à la montée en puissance des régimes autoritaires en impérialistes. La résistance du peuple ukrainien était sa référence majeure :
« face au retour de la guerre sur notre continent, face à la remise en cause de tout ce pourquoi ils se sont battus, face à ceux qui prétendent changer les frontières par la force ou réécrire l’histoire, soyons dignes de ceux qui débarquèrent ici. Votre présence ici, en ce jour, Monsieur le Président d’Ukraine, dit tout cela. »
À la suite de ces mots, le public tout entier s’est mis à applaudir le président ukrainien au cours d’un standing ovation initiée par le président américain, Joe Biden.
Le président français a ensuite enchéri en louant la « bravoure » et « le goût de la liberté » du peuple ukrainien. « Nous sommes là et nous ne faiblirons pas » a-t-il encore martelé.
L’absence de la Russie le 6 juin rappelle à notre mémoire l’absence de tout leader soviétique lors des commémorations du débarquement en 1984. En 2014, Vladimir Poutine était présent aux soixante-dix ans du débarquement aux côtés de Barack Obama : mais il s’agit là d’une scène que l’on ne reverra pas de sitôt.
Au lendemain de sa visite à Omaha Beach, le président ukrainien s’est rendu à Paris, pour s’entretenir avec Emmanuel Macron puis avec le ministre aux Armées.
Après une courte cérémonie militaire aux Invalides, Sébastien Lecornu et Volodymyr Zelensky se sont rendus au site du ministère de la Défense à Balard, dans le XVe arrondissement de Paris. L’objectif de cette visite était la signature de lettres d’intention pour développer la coopération en matière d’armement entre la France et l’Ukraine.
M. Lecornu a fait visiter au président ukrainien plusieurs armements fabriqués par les entreprises françaises et dont la France souhaite fournir l’Ukraine en plus grandes quantités : le canon César, construit par KNDS, le missile Aster, etc.
Au cours de cette visite, les présidents des conglomérats d’armements français et ukrainiens ont signé des lettres d’intentions dont voici le contenu principal :
▪️La première lettre porte sur la mise en place d’un centre de maintenance des canons Caesar
▪️ La seconde (sur l’impression 3D des pièces de rechange) par :
• KNDS France (Nicolas Chamussy)
• ENMEK (Dmytro Chernykh)
▪️Puis, signature d’un contrat de transfert de production des munitions des obus de 155mm par :
• Nicolas Chamussy (KDNS France)
• Yevheni Hrechyn (KZVV)
▪️Et enfin, la création de la filiale KNDS Ukraine, signature par :
• Philippe Petitcollin (Président de KNDS Groupe)
Les glaciers du Pakistan en discussion à l’UNESCO
Le troisième événement de la semaine que DécalageDiplo a suivi est la grande conférence organisée par l’ambassade du Pakistan à l’UNESCO sur le défi de la préservation des glaciers du Pakistan, qui possède aujourd’hui la plus grande surface de glaciers au monde.
Cette conférence fut introduite par l’ambassadeur du Pakistan à Paris, son Excellence Monsieur Asim Iftikhar Ahmad fut l’occasion de rappeler l’importance de la préservation des glaciers du Pakistan pour la préservation de l’environnement.
Les conséquences d’une fonte rapide dans certaines parties du pays, du fait des fortes chaleurs excédant parfois les 45 °C en été, sont des inondations massives dans les vallées, ainsi que des torrents de boue, provoquant des destructions de villages et de cultures.
L’Etat pakistanais affirme qu’il continue à mener des politiques de soutien à sa population pour faire face à ce phénomène de plus en plus récurrent.
Pour l’heure toutefois, certains glaciers comme le Karakohm continue à gagner en masse selon le CNRS de Grenoble, où travaillent les spécialistes mondiaux des glaciers, mais avec les changements climatiques en cours, cette situation pourrait bien ne pas durer.