La semaine diplomatique du 6 au 14 juin

Alors que les partis politiques se recomposent depuis la dissolution de l’Assemblée nationale dimanche dernier, l’actualité diplomatique bat son plein. Retour sur huit jours d’intense activité diplomatique suivie par DécalageDiplo.
Au programme :
  • L’Ukraine ovationnée aux commémorations des 80 ans du débarquement, la Russie, grande absente
  • La visite de Zelensky à l’Elysée et au ministère de la Défense et les nouveaux projets de don d’armements de la France à l’Ukraine
  • La conférence du Pakistan à l’Unesco

Omaha Beach : la réunion du seul monde occidental

Il s’agit bien-là d’une petite révolution historique, mais qui n’est pas sans importance symbolique. Le 6 juin, plusieurs dizaines de chefs d’Etat ont participé à la commémoration internationale du débarquement sur les plages de Normandie à Saint-Laurent-sur-Mer. C’est là que se situe Omaha Beach, où plusieurs milliers de soldats, des Américains pour l’essentiel, sont morts pour sauver la France du joug nazi.

Mais dans le contexte de la guerre en Ukraine, cette cérémonie revêtait un reflet tout particulier : seuls les chefs d’Etat des pays de l’Europe démocratique étaient présents. La Russie, dont le rôle dans la Seconde Guerre mondiale fut crucial pour la défaite de l’Allemagne nazie. Il était d’abord prévu que Vladimir Poutine soit invité, puis seulement une délégation. Finalement, sous la pression de l’Ukraine, aucun représentant russe n’était invité à l’événement.

La grande star de la cérémonie du 6 juin était sans surprises le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, longuement applaudi par la foule à son arrivée.

Dans son discours de clôture, le président Macron a réaffirmé le caractère primordial de la liberté des peuples face à la montée en puissance des régimes autoritaires en impérialistes. La résistance du peuple ukrainien était sa référence majeure :

« face au retour de la guerre sur notre continent, face à la remise en cause de tout ce pourquoi ils se sont battus, face à ceux qui prétendent changer les frontières par la force ou réécrire l’histoire, soyons dignes de ceux qui débarquèrent ici. Votre présence ici, en ce jour, Monsieur le Président d’Ukraine, dit tout cela. »

À la suite de ces mots, le public tout entier s’est mis à applaudir le président ukrainien au cours d’un standing ovation initiée par le président américain, Joe Biden.

Le président français a ensuite enchéri en louant la « bravoure » et « le goût de la liberté » du peuple ukrainien. « Nous sommes là et nous ne faiblirons pas » a-t-il encore martelé.

L’absence de la Russie le 6 juin rappelle à notre mémoire l’absence de tout leader soviétique lors des commémorations du débarquement en 1984. En 2014, Vladimir Poutine était présent aux soixante-dix ans du débarquement aux côtés de Barack Obama : mais il s’agit là d’une scène que l’on ne reverra pas de sitôt.

Un aperçu d’un extrait de la cérémonie en vidéo :

Cérémonie internationale d’Omaha Beach le 6 juin 2024

Zelensky à Balard

Le président Zelensky en visite à Balard, aux côtés du ministre des Armées, Sébastien Lecornu, le 7 juin 2024. c Maximilien Nagy

Au lendemain de sa visite à Omaha Beach, le président ukrainien s’est rendu à Paris, pour s’entretenir avec Emmanuel Macron puis avec le ministre aux Armées.

Après une courte cérémonie militaire aux Invalides, Sébastien Lecornu et Volodymyr Zelensky se sont rendus au site du ministère de la Défense à Balard, dans le XVe arrondissement de Paris. L’objectif de cette visite était la signature de lettres d’intention pour développer la coopération en matière d’armement entre la France et l’Ukraine.

M. Lecornu a fait visiter au président ukrainien plusieurs armements fabriqués par les entreprises françaises et dont la France souhaite fournir l’Ukraine en plus grandes quantités : le canon César, construit par KNDS, le missile Aster, etc.

Au cours de cette visite, les présidents des conglomérats d’armements français et ukrainiens ont signé des lettres d’intentions dont voici le contenu principal :

▪️La première lettre porte sur la mise en place d’un centre de maintenance des canons Caesar

▪️ La seconde (sur l’impression 3D des pièces de rechange) par :
•⁠ ⁠KNDS France (Nicolas Chamussy)
•⁠ ⁠⁠ENMEK (Dmytro Chernykh)

▪️Puis, signature d’un contrat de transfert de production des munitions des obus de 155mm par :
•⁠ ⁠Nicolas Chamussy (KDNS France)
•⁠ ⁠⁠Yevheni Hrechyn (KZVV)

▪️Et enfin, la création de la filiale KNDS Ukraine, signature par :
•⁠ ⁠Philippe Petitcollin (Président de KNDS Groupe)

Les glaciers du Pakistan en discussion à l’UNESCO

Ambassadeur du Pakistan à l’UNESCO le 12 juin 2024. c Ambassade du Pakistan à Paris

Le troisième événement de la semaine que DécalageDiplo a suivi est la grande conférence organisée par l’ambassade du Pakistan à l’UNESCO sur le défi de la préservation des glaciers du Pakistan, qui possède aujourd’hui la plus grande surface de glaciers au monde.

Cette conférence fut introduite par l’ambassadeur du Pakistan à Paris, son Excellence Monsieur Asim Iftikhar Ahmad fut l’occasion de rappeler l’importance de la préservation des glaciers du Pakistan pour la préservation de l’environnement.

Les conséquences d’une fonte rapide dans certaines parties du pays, du fait des fortes chaleurs excédant parfois les 45 °C en été, sont des inondations massives dans les vallées, ainsi que des torrents de boue, provoquant des destructions de villages et de cultures.

L’Etat pakistanais affirme qu’il continue à mener des politiques de soutien à sa population pour faire face à ce phénomène de plus en plus récurrent.

Pour l’heure toutefois, certains glaciers comme le Karakohm continue à gagner en masse selon le CNRS de Grenoble, où travaillent les spécialistes mondiaux des glaciers, mais avec les changements climatiques en cours, cette situation pourrait bien ne pas durer.

Déclarations conjointes ou Conférence de presse conjointe, ou comment les dirigeants ont besoin des journalistes

Pour la « visite officielle » de Volodymyr Zelensky, président de la République d’Ukraine, à l’Elysée le 7 juin, il y eut une conférence de presse  conjointe des deux présidents.

Ils prirent 5 questions, négociées préalablement entre les journalistes présents. Des questions qui recueillaient l’assentiment de tous les participants, car il s’agissait des questions logiques. Un journaliste russe d’opposition réclama une question spécifique, et les journalistes français acquiescèrent sans barguigner. Une journaliste ukrainienne reçue elle aussi une question à poser, de son choix exclusif. La présidence ne filtra ni ne nous dicta rien, sans le nombre maximum de questions : 4. Les journalistes forcèrent un peu pour 5.
Les deux présidents firent leurs déclarations préliminaires, puis fusèrent les 5 questions. Puis conférence de presse terminée. Normal.

Le lendemain, le président Joe Biden, en « visite d’État », et Emmanuel Macron ne purent proposer qu’une « Déclaration conjointe ». Aucune question à poser. Les journalistes dans la salle étaient réduits au rang de figurants. Pourquoi ce mutisme? L’on ne sait pas (encore). Pour ces deux démocraties, l’ambiance était semblable aux Déclarations lors de la visite d’État de Xi Jinping en France quelques semaines auparavant. Dommage.

La Russie amasse ses troupes à la frontière avec les pays baltes et la Finlande

D’après des sources bien renseignées, l’armée russe amasse et entraîne plusieurs unités à la frontière avec les pays baltes et la Finlande.

Cette nouvelle intervient alors même que l’armée russe serait en bonne voie de remporter le conflit en Ukraine toujours d’après nos sources. L’arrivée du matériel militaire occidental pour l’armée ukrainienne et les lourdes pertes subies ces derniers mois pourraient bien ne pas suffire à inverser la tendance.

Plusieurs éléments permettent d’affirmer cela. D’abord, la Russie est capable de tenir ses positions depuis plusieurs mois ce qui n’est pas le cas de l’Ukraine qui a reculé significativement à Kharkiv ces dernières semaines. D’autre part, l’armée russe possède une réserve d’hommes considérable pour les mois à venir. D’ici à 2026, elle pourrait atteindre le chiffre colossal de 1,5 million d’hommes, un chiffre que les Ukrainiens ne sont pas capables d’atteindre faute de ressources en hommes.

Enfin et contrairement à certaines affirmations un peu optimistes, l’armée russe possède des réserves en armement démesurées par rapport à l’Ukraine. Dès 2025, elle devrait par exemple être équipée de nouvelles unités de blindés, dont des véhicules de transport de troupes BMD 4 et de nouveaux missiles. 

Quels moyens peut donc mettre en oeuvre l’Ukraine pour contrer ces avancées russes ? L’un d’entre eux est de frapper davantage de cibles civiles en Russie, dont les installations pétrolières, que les drones ukrainiens sont aujourd’hui en mesure d’atteindre.

Azerbaïdjan-Arménie

L’Arménie pourrait être envahie par l’Azerbaïdjan dans les six prochains mois d’après d’autres sources de haut niveau. 

Parmi les motivations du président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, figure le désenclavement de la région du Nakhitchevan, située à la frontière avec l’Iran et la Turquie. 

Depuis l’invasion complète du Haut-Karabakh en septembre 2023, les Arméniens doivent se plier à plusieurs exigences azerbaïdjanaises en tant que vaincus, dont des concessions de terres, qui permettraient à l’Azerbaïdjan de retrouver progressivement sa taille sous l’Union soviétique. La vengeance des Azéris pout leur défaite contre l’Arménie durant la guerre de 1994 serait ainsi assouvie. Mais il est peu probable que le gouvernement arménien puisse remplir toutes les exigences de son voisin, ce qui pourrait donner un prétexte à Aliev de lancer une invasion.

Vladimir Poutine n’en serait pas peiné, au contraire. Il souhaiterait qu’un gouvernement pro-russe soit institué en Arménie pour faciliter son contrôle du Caucase, de même pour la Géorgie. La Russie et l’Azerbaïdjan étant alliés, Vladimir Poutine pourrait profiter d’une invasion azerbaïdjanaise pour installer un gouvernement arménien fantôme, élu démocratiquement et qui obéirait docilement aux ordres de Moscou. Un autre moyen serait de faire tomber le gouvernement via des manœuvres de déstabilisation qui sont déjà en cours d’ailleurs.

Depuis l’invasion du Haut-Karabakh que les Russes n’ont pas cherché à empêcher, le gouvernement de Nikol Pachinian s’est largement tourné vers la France et les Etats-Unis et les tensions diplomatiques entre Erevan et Moscou ont d’ailleurs cru ces dernières semaines. Le Premier ministre arménien a notamment lancé des accusations de propagande contre la chaîne de télévision Channel One, possédée par des Russes et qui est très critique de Pachinian. Ce dernier a fait interrompre la diffusion de la chaîne pendant quelques jours, fin mai. 

Netanyahou et l’absence du Soudan du Sud

Le PM israélien, Benjamin Netanyahou, lors de son interview sur LCI jeudi 30, a brandi une carte géographique, comme à son habitude. Israël, répète-t-il, est noyé dans un océan arabe, pourquoi tant d’hostilité?
Cette carte montre en effet le Sahara occidental en blanc, et donc sans son intégration dans le Royaume du Maroc.
Le PM et la carte surannée
Capture d’écran, le Soudan du Sud aligné sur le petit-doigt de la main gauche
Mais l’on remarque  que la carte figure aussi un Soudan d’avant 2011. Le Soudan du Sud n’existait pas encore!
L’État d’Israël et la République du Soudan du Sud se sont reconnus presque tout de suite. Entre Israël et le Soudan désormais privé de ses anciennes zones méridionales, les relations diplomatiques étaient sur le point d’être nouées, mais la guerre civile soudanaise a remisé ce projet à un avenir meilleur.
Toujours est-il que Benjamin Netanyahou, qui se targue d’être un étudiant de l’histoire, n’a vraiment pas gardé ses cartes à jour. Et que personne du Ministère des Affaires étrangères israélien n’a dû être consulté.

Niger : l’Union européenne met fin à l’EUMPM

Le Conseil de l’Europe a décidé ce lundi de ne pas renouveler la présence de sa mission anti-terroriste au Niger, baptisée EUMPM, après le 30 juin. Cette décision intervient onze mois après le coup d’Etat par la junte militaire, menée par le général de la garde présidentielle, Tchiani, qui a provoqué la chute du président Mohamed Bazoum, qui est aujourd’hui incarcéré au Niger.

Dès le 4 décembre 2023, la junte militaire avait annoncé vouloir mettre fin à la mission avec l’Union européenne.

Mise en place en décembre 2022, cette mission devait former les troupes nigériennes à la lutte anti-terroriste. Voici le communiqué officiel du Conseil de l’Europe :

« The Council today decided to not extend the European Union military partnership mission in Niger (EUMPM) beyond 30 June 2024, in view of the grave current political situation in the country.

The mission was established in December 2022 at the request of the former Nigerien authorities to enhance the ability of the Niger Armed Forces to contain the terrorist threat, protect the population in the country and ensure a safe and secure environment in compliance with human rights law and international humanitarian law. The agreed initial duration was of three years;

On 26 July 2023, a military coup attempted to oust democratically elected President Mohamed Bazoum. Two days after, General Tchiani, chief of the Presidential guard, proclaimed himself President of the Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP).

The EU immediately condemned the coup in the strongest terms, and in October 2023 it created a framework for restrictive measures in view of the situation in Niger to be able to target those who undermine the stability, democracy, rule of law in the country, and constitute a threat to peace and security in the region.

On 4 December 2023, Niger junta announced that it would terminate the agreement establishing the legal basis for the deployment of the EUCAP Sahel Niger mission and the EU Military Partnership Mission in Niger (EUMPM Niger).

On 5 December, the High Representative expressed his regret over such decision.

By letter dated 21 December 2023, the Mission Commander, Lieutenant-General Michiel van der Laan, notified the Council that the EU personnel of EUMPM Niger had been redeployed to Europe.

On 23 April 2024, the Political and Security Committee agreed that EUMPM Niger should not be extended beyond 30 June 2024. »