La France et la Serbie: un rapprochement hâtif, mais méritoire

Une lettre ouverte à la nation à laquelle il se rend, voilà la manière plutôt exceptionnelle qu’a employé Emmanuel Macron pour tendre la main au peuple serbe, comme on dit dans le langage diplomatique public.

Le but diplomatique: rapprocher la République de Serbie de l’UE. Pour cela, la poursuite de l’ouverture vers l’autre Europe, particulièrement balkanique, menée par Emmanuel Macron dès les débuts de sa première  présidence. Une constance, voire un acharnement, que n’ont manifesté aucun autre chef d’État européen et certainement pas le président américain qui ne descend pas à ce niveau de détail concernant l’Europe ni même d’autres pays comme ceux d’Amérique centrale (dont le soin fut confié à Kamala Harris).
Un partenariat stratégique renouvelé, car ce statut existait depuis 2011 entre Paris et Belgrade. La vente de Rafales se fait  selon l’aveu de l’Élysée de sevrer la dépendance de la Serbie sur la Russie. Citons la lettre ouverte de Macron:

Alors que la guerre a, une nouvelle fois, resurgi sur notre continent, à l’initiative de la Russie qui poursuit en Ukraine un dessein brutal de conquête, l’idée que la Serbie puisse chercher sa voie dans un perpétuel jeu d’équilibre entre des puissances qui ne verront en elle qu’un pion à sacrifier sur l’échiquier, est une illusion : c’est seulement au sein d’une Union d’Etats souverains partageant la même vision de leur avenir que la Serbie pourra rester la Serbie.

Toujours les arguments incatatoires: « vous êtes sur le bon chemin, je sais ce que vous avez voulu faire encore mieux que vous-même. Malheureusement cette méthode marche mal. Eventuellement la Serbie de Vucic est-elle prête pour en faire quelque chose de positif. Si tel est le cas, ce ne sera pas particulièrement à cause des incantations d’ Emmanuel Macron. Les Rafales aideront beaucoup, mais là aussi la vente de Mistral à la Russie ne devait-elle pas ramener le Kremlin sur le droit chemin? Cette logique est sujette à caution, mais ne présumons pas le pire.
Le dossier du Kosovo se complique, car le président serbe Vucic ne cesse de couvrir les municipalités ethniquement serbes dans la partie nord-ouest du Kosovo, et Paris voudrait que le gouvernement kosovar d’Albin  Kurti, patriote kosovar de gauche, leur aménage un régime spécial. Ce dernier rechigne, tensions entre Paris et Pristina pour quasiment la première fois. L’Élysée s’introduit  dans les turbulences balkaniques.
Enfin sachons que l’UE va signer un accord pour participer à l’extraction du LITHIUM serbe avec Belgrade. Ce n’est pas un projet des plus environnementaux, mais n’empêche, Ce minerai est crucial dans la transition vers une économie plus verte.

L’Elysée a estimé que l’exploitation de cette mine était « un choix qu’il revient à la Serbie de faire », tout en proposant de partager son « expertise » en la matière. La compagnie aux manettes est le célèbre Rio Tinto. ###

E. Macron a enfin reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Rabat se réjouit, Alger fulmine

Les relations entre la République française et le Royaume du Maroc vont s’améliorer. Plusieurs années après l’acceptation claire par les États-Unis de la souveraineté marocaine sur ce territoire ex-espagnol de 105 km2 à la fin 2020.
Paris et Rabat ont donc échangé des communiqués coordonnés ce 31 juillet.
En voici un extrait important:
À la faveur de l’évolution significative de la position française et de Votre détermination à agir en conséquence aux niveaux interne et international, Nos deux pays pourront travailler conjointement afin de parvenir à une solution qui, dans le cadre des Nations Unies, respecte pleinement la souveraineté du Maroc sur son Sahara.
… grâce à la dynamique positive que connaissent Nos relations bilatérales, des perspectives prometteuses s’ouvrent à Nos deux pays dans de nombreux secteurs stratégiques, permettant de renforcer le partenariat d’exception bâti, des décennies durant, sur l’amitié et la confiance.

A ce titre, et comme cela avait été évoqué lors de Nos précédents échanges, Je serai heureux de Vous recevoir au Maroc dans le cadre d’une Visite d’Etat dont les dates seront arrêtées par la voie diplomatique.

 La lettre du président de la République ne figure pas sur les sites officiels, mais a été officiellement, et partiellement seulement,  communiquée à la presse diplomatique française le 30 juillet.
« La France, en particulier, continuera à ancrer la sincérité de son amitié pour le Maroc et l’efficacité de son partenariat avec lui dans une position claire et forte sur les questions les plus essentielles pour Votre Majesté et les Marocains. A ce titre, je considère que le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine. Aussi, je Vous affirme l’intangibilité de la position française sur cet enjeu de sécurité nationale pour Votre Royaume. La France entend agir en cohérence avec cette position à titre national et au niveau international.
Pour la France, l’autonomie sous souveraineté marocaine est le cadre dans lequel cette question doit être résolue. Notre soutien au plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007 est clair et constant. Pour la France, celui-ci constitue désormais la seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.

Au demeurant, la poursuite du développement économique et social de cette région est un impératif. Je salue tous les efforts faits par le Maroc à cet égard. La France l’accompagnera dans cette démarche au bénéfice des populations locales. »

On peut relever dans la lettre française une caractéristique particulère de notre diplomatie: justifier nos actes diplomatiques par le droit international. C’est méritoire, mais aussi quelque peu pragmatique. L’Espagne, dernier appui occidental à l’indépendantisme du Sahara Occidental représenté essentiellement par le Polisario, avait reconnu la souveraineté marocaine peu après le geste de Donald Trump.
Cette reconnaissance française marque le début  d’un rapprochement entre Paris et d’une possible glaciation entre Paris et Alger. En effet l’ambassadeur algérien a été rappelé dès le 30 juillet de Paris. Ni Madrid ni Washington n’ont subi une telle rétribution.

Si Donald Trump tentait de défaire OTAN: que faire? Le Quai d’Orsay s’est posé la question

À l’occasion du Sommet de l’OTAN début juillet, la question d’une désaffection américaine pour l’OTAN est discrètement posée. Des discussions embryonnaires existent, la France pousse à la prise de conscience,  c’est une question très difficile pour les Allemands, longtemps dans le déni de ce problème. Fr est la principale nation « contributrice réelle » à l’OTAN après les États-Unis, et en plus nous autres Français sommes sereins car avons notre arme nucléaire propre.
Paris voudraient que partenaires augmentent leurs efforts militaires.
Toujours est-il qu’en vertu d’une loi nouvelle sur l’OTAN, voulue par Biden, toute sortie des États-Unis de l’OTAN serait conditionnée par le Sénat qui devrait doit l’accepter  aux 2/3 ce qui est très improbale,.
Mais Washington sous Trump pourraient ramollir l’Article 5.
La France fait donc du Contigency Planning.
Les Républicains autour de Trump, c’est-à-dire le America First Policy Institute, où travaille l’influent Général retraité Keith Kellogg (qui a reçu des diplomates français), à  la Heritage Fondation  , et la Hudson Foundation  — tous sont favorable au maintien des États-Unis dans l’OTAN.

Une Fête de l’Indépendance des États-Unis à Paris: simple mais efficace

 

Le 4 juillet, Fête de l’Indépendance des États-Unis, est généralement marquée quelques jours avant à l’ambassade (ou plus exactement la résidence qui s’y trouve attachée) américaine de Paris. Les thématiques sont souvent extraordinaires, comme en 2019, année marquant la déambulation lunaire d’Apollo 11, un son et lumière et des acteurs en scaphandres spatiaux faisant des acrobaties sur la pelouse!

En ce 2 juillet 2024, ambiance sobre, le minimum dans les déroulement d’un spectacle — en vérité, pas de spectacle hormis la garde d’honneur, mais même le minimum est solennel et impressionnant. Des chanteurs de jazz tout à fait respectable, mêlant classiques français et américains des années 30 et 40. Discours de l’ambassadrice Denise Campbell Bauer, protocolaire mais toujours lié à la dette historique des Révolutionnaires américains envers Rochambeau, Lafayette, de Grasse. Un descendant de Rochambeau, Jérôme Danard, de l’association pour l’amitié franco-américaine (www.france-etatsunis.org), était de la partie.
À remarquer cette année l’absence totale de notabilités françaises. Je n’ai pas remarqué le moindre député, ni ambassadeur, quelques conseillers élyséens. Dans les années antérieures, des ministres en exercice venaient, et étaient même invités à s’exprimer à la suite de l’ambassadeur, ce fut le cas de Manuel Valls il y a une douzaine d’années, qui dénonça cordialement mais explicitement l’espionnage mené par les services américains, y compris sous l’impulsion de Hillary Clinton sécrétaire d’État, contre les négociateurs français des accords commericaux. L’ambassadeur ne pouvait évidemment pas répliquer, et pourtant la fête se poursuivit avec gaité sous un soleil radieux et maints mini-hamburgers et autres petits-fours.
Jeep de la Deuxième Guerre Mondiale. (c) DD
Une exposition dans les locaux de la Résidence (attachée à l’ambassade), sur le Débarquement de Normandie, deux jeeps et une moto d’époque, toujours pour rappeler les liens construits au cours des deux Guerres mondiales. En 2017, l’ambassade exhiba une ambulance américaine — l’on sait que des unités d’ambulanciers et de pilotes se battaient en France avant même l’entrée en guerre des États-Unis. Les gouvernements ont parfois des retards sur les sentiments des citoyens.

La newsletter du 14 au 22 juin : spécial Eurosatory

C’est encore une semaine chargée en actualité et en rebondissements qui vient de s’écouler.

  • Les confidences du Ministère des Armées

A retrouver sur le lien suivant: https://decalagediplo.fr/le-samp-t-ng-pour-2026-27/

  • 60 canons Caesar vendus à l’étranger

L’Eurosatory 2024, qui a fermé ses portes vendredi, est un succès commercial pour l’industrie française de l’armement. C’est en tout cas ce dont s’est vanté le ministère des Armées cette semaine.

L’Estonie, l’Arménie et la Croatie sont les trois pays à avoir officialisé l’achat de canons Caesar à l’occasion du sommet. Construits par le consortium franco-allemand KNDS, ils sont aujourd’hui réputés les plus performants au monde. Au total, soixante pièces d’artillerie ont été vendues. Il nous manque les détails du nombre de canons vendus par pays.

L’achat des Caesar par l’Arménie marque une nouvelle étape dans son réarmement, alors qu’elle se prépare selon nos sources à une possible invasion de l’Azerbaïdjan dans les prochains mois.

L’Estonie de son côté anticipe une éventuelle arrivée des troupes russes dans son pays. Selon des documents rendus publics par les services de renseignement estoniens, les Russes amassent des milliers d’hommes depuis plusieurs mois à la frontière avec les pays Baltes.

  • Lituanie : spécialité drones

    La Lituanie est réputée en Europe pour sa technologie de haut niveau et son stand à l’Eurosatory cette année était une bonne illustration du savoir-faire lithuanien, en particulier dans le domaines des drones.

    Les drones et les systèmes anti-drones sont l’une des principales spécialités lithuaniennes. L’entreprise RSI Europe, présente à l’Eurosatory, en est un exemple type. Elle développe en en particulier des drones kamikaze, aussi appelés munitions rôdeuses en langage militaire ou loitering munitions en anglais.

    Abondamment utilisés par les Ukrainiens et les Russes dans la guerre en Ukraine, ils constituent des armes redoutables, économes aussi bien en hommes qu’en argent. Leur compétitivité est difficile à égaler : 800 € en moyenne pour un drone de catégorie Shpak FPV, avec des prix spéciaux pour l’Ukraine dont les industriels refusent de dévoiler le chiffre exact.

    Le Sphak FPV peut voler à une distance maximale de 25 km, voler jusqu’à 100 km/h à vide. Il pèse 2,5 kg et peut porter une charge de 3 kilos. Il s’agit donc d’un système léger et simple d’usage, très commode pour mener une attaque ciblée.

    Son explosion est déclenchée de deux manières différentes : ou grâce à un détonateur ou en s’écrasant directement sur sa cible. L’application RISE-1 développée par RSI Europe permet de contrôler et de paramétrer son vol depuis un téléphone portable.

    Autre innovation lituanienne : les systèmes anti-drone avec plusieurs conceptions remarquables : le Skywiper EDM4S, un fusil anti-drone construit par l’entreprise NT Service.

    Le Skywiper EDM4S permet de brouiller les ondes des drones en actionnant une gachette en direction de l’appareil. L’objectif est que le Skywiper prenne le contrôle du drone et pour le faire s’écraser au sol et qu’ainsi, le pilote ennemi – à distance– perde le contrôle de son appareil. Ce fusil anti-drone a un côut moyen de 17 000 €. “Mais il y a là-encore des tarifs préférentiels pour l’Ukraine” nous assure encore un commercial de NT Service. Selon le blog Mehza Media, la Lituanie avendu près de 110 Skywiper EDM4S à l’Ukraine entre février et juin 2022.

    Le second système est un radar 2.0 permettant aussi de brouiller les ondes des drones kamikaze pour les empêcher d’atteindre leurs cibles. Ces appareils peuvent varier en dimensions et en puissance en fonction de la cible qu’ils doivent protéger, qui peut varier du simple soldat à un  convoi de véhicules.

    Le coût de ces radars peut varier de quelques milliers d’euros pour les petits modèles à 20 000 €, avec là-encore des prix spéciaux pour l’Ukraine.

    Les industriels demeurent discrets sur l’identité des pays acheteurs de leur matériel, qui sont tous “membres de l’OTAN” nous assurent-ils.

    Y a-t-il des drones qui résistent à la technologie lituanienne ? Oui nous ont confié quelques industriels, en particulier les drones iraniens, dont certains sont autonomes, c’est-à-dire, dirigés par un programme intégré au drône, sans interférence humaine durant son vol. Cela rend donc plus difficile leur interception. Les commerciaux de NT Service ne cache pas d’ailleurs, qu’il s’agit-là “d’une piste de recherche” pour les entreprises lituaniennes.